Pour rendre justice, j'essaye d'apporter une vérité historique sur le déclenchement de la guerre
A Sidi Ali (
Cassaigne ,Mostaganem)
Le
coup de feu est tiré à 23h
Article de presse de l'Echo d'Oran MOSTAGANEM - Assassinat de Laurent François
Verdict de la Cour d'Assises de Mostaganem du 24 juillet 1955
Travaux forcés à perpétuité : Belhamiti
Vingt ans de travaux forcés : Chouarfia, Belkoniène Mohamed
Ce
dimanche 31 octobre 1954, à la tombée de la nuit, un groupe d'hommes
sous les ordres de Sahraoui et Belhamiti se réunit au lieu dit " Oued
Abid ". Sahraoui dispose d'armes de guerre (3 carabines italiennes, un
fusil mauser et des munitions) qui lui ont été procurées par Bordji
Amar.
Cette réunion a pour but l'organisation d'une attaque qui doit
être déclenchée à une heure du matin.
Tous se réunissaient vers le centre de Cassaigne ; Belhamiti prenait la tête d'un demi-groupe composé de Mehantal, Belkoniène, Chouarfia qui devaient se poster légèrement au sud et à l'Est des bâtiments de la gendarmerie.
L'autre demi groupe sous la direction de Sahraoui Abdelkader et composé de Belkoniène Taïeb, Tehar Ahmed et Beldjilali Youssef allait par l'Ouest s'approcher de la cour extérieure de la gendarmerie.
C'est à ce moment là que survint une automobile qui stoppait devant la cour extérieure, côté est de la gendarmerie. Le demi groupe de soutien de Belhamiti se dissimula dans un fossé bordant la route. Belkoniène et Tehar de leur côté, de peur d'être surpris eux aussi, cherchèrent à se dissimuler derrière les bâtiments de la gendarmerie ; ils y retrouvèrent Saharaoui Abdelkader qui leur donna l'ordre de se porter en avant et de tirer sur les arrivants.
Laurent François, conducteur du véhicule, et Mendez Jean-François, son compagnon de route, revenaient d'un bal de Mostaganem et rentraient à Picard ; sur leur route ils étaient arrêtés par monsieur Mira - gérant de la ferme Monsonégo - qui leur demanda d'alerter la gendarmerie car il était attaqué. Des coups de feu claquèrent alors mais sans les atteindre. Laurent François et Mendez Jean-François se précipitèrent donc vers Cassaigne et venaient donner l'alerte à la gendarmerie.
Laurent François sonnait au portail d'entrée et tous deux attendaient qu'on leur ouvre ; ils étaient éclairés par l'ampoule électrique allumée au-dessus du portail qui faisait d'eux une excellente cible pour les tireurs embusqués.
Belkoniène
et Tehar, en position de tireurs immédiatement derrière la clôture en
fil de fer de la gendarmerie, à une vingtaine de mètres environ de
Laurent François et de Mendez Jean-François, tirèrent chacun un coup de
feu. Laurent François s'écroula, mortellement atteint d'une balle à la
nuque ; Mendez Jean-François s'affaissa mais n'était pas atteint par la
balle qui allait s'écraser près d'une meurtrière dans le mur de la
gendarmerie.
Un troisième coup de feu fût tiré sans atteindre sa cible.
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A Sidi Ali (
Cassaigne ,Mostaganem)
Le
coup de feu est tiré à 23h
La ville de Cassaigne porte désormais son nom : Benabdelmalek Ramdane.
Histoire d’une grande figure de la Révolution.
Lorsque Larbi Ben M’hidi
envoya le jeune Ramdane dans la région de Mostaganem en
1953,
c’était dans l’esprit du leader de la
Révolution, pour préparer et prendre en main des
militants restés trop longtemps dans l’anonymat et
qui
piaffèrent d’impatience pour passer à
l’action. Le 29 octobre 1954, Benabdelmalek Ramdane, qui
était le seul à connaître la date du
déclenchement de la Révolution, réunit
au douar
Ouled Abid près du port de Ouilis (Ben-Abdelmalek Ramdane
actuellement) l’ensemble de
ses
hommes. Huit, pas plus. Objectif : attaquer et détruire la
petite gendarmerie de Cassaigne et prendre toutes les armes.
La
tactique de Ramdane était simple : placer un demi-groupe
à Ouilis pour faire le guet, poster un autre demi-groupe au
sud- est de la brigade de Cassaigne avec des
éléments aguerris tels que M’hendel,
Boukneine, Chouarfia et si Aek.Sahraoui (el mihoub)
et enfin un autre demi-groupe à l’ouest de la
cible avec des hommes décidés tels que Tayeb, le
frère de Boukneine,
Tahar Ahmed
et Belhadj. Il est 23 heures et deux Européens,
Laurent
François et Mendes Jean-François
rentrent de Mostaganem, le chef-lieu où ils ont
dansé une bonne partie de la soirée.
Sitôt dépassés le phare du cap Ouilis,
exactement au niveau de la ferme Mansenegrot, les deux noctambules se
font accrocher par le groupe. Laurent François et Mendes
sont légèrement blessés. Il est 23 h
15 et la Révolution, officiellement, n’a pas
encore été déclenchée. Les
deux colons qui devaient servir d’appât
n’auront qu’une seule idée en
tête à ce moment-là :
prévenir la gendarmerie de Cassaigne et alerter les
autorités, chose que les insurgés voulaient
à tout prix. Et c’est ainsi que quelques minutes
avant minuit, les deux rescapés tout excités et
tout tremblant vinrent sonner à la porte de la brigade
légèrement éclairée par une
lumière blafarde. Mais il faut croire que les gendarmes
avaient le sommeil lourd. Même le vacarme d’un
chien déchaîné aboyant rageusement dans
la cour ne les réveillera pas. Une cuite à
l’anisette a dû certainement les assommer. Perdant
patience et ne voyant ni la porte ni le portail métallique
s’ouvrir, les deux demi-groupes qui avaient pris
l’institution en tenaille ne
résistèrent pas alors à faire le coup
de feu et à tirer en direction des colons.
Une
première balle s’intercala dans une
meurtrière, une seconde rafla la porte mais la
troisième eu raison de Laurent François qui la
recevra en pleine nuque. Il sera tué sur-le-champ. Quant
à Mendes, il s’affaissera touché par
une balle. À minuit passé, le groupe se
dispersera pour se fondre dans la nature. D’autres
moudjahidine, tout de suite après, prendront la
relève. Mais le signal était désormais
donné. La Révolution venait d’ouvrir la
marche et faisait ses premiers pas. Certes, l’attaque
concertée d’une petite brigade de gendarmerie sur
une côte déserte du Dahra n’a en soi
rien d’épique d’autant que les pauvres
attaquants n’étaient armés que de
simples fusils mais elle marquait, par son incroyable impact, un
tournant dans l’Histoire du pays. L’administration
coloniale en était si consciente qu’elle tentera,
par le biais d’une justice expéditive, de frapper
l’imagination avec les verdicts disproportionnés.
Après
une cavale qui n’aura duré que quelques semaines,
tout le
réseau de Cassaigne sera appréhendé et
arrêté... Le 23 juillet 1955, un important service
d’ordre prenait place autour du tribunal de Mostaganem
transformé pour la circonstance en assises. Le commissaire
Certel Chebot en personne supervisait le rituel.
À
8h30, la famille Laurent, les traits tirés et visiblement
écrasée par la peine, prenait place au premier
rang. M. Albertili, un conseiller de la Cour d’appel
d’Alger fera office de président, il sera
assisté par deux juges Mebo et Fyband et le
ministère public sera représenté par
M. Geoffroy. Le tribunal se paiera même le luxe de deux
interprètes : Tahalaiti et Mekki.
Dans
l’acte d’accusation qui sera lu à la
cour, les éléments du groupe de Benabdelmalek
Ramdane seront traités tantôt de bandits,
tantôt de terroristes mais pas encore de
“fellagas”. Il était évident
que quelque furent la véhémence,
l’éloquence ou les effets de manche des avocats,
le groupe était sûr de servir d’exemple
et il ne se faisait aucune illusion quant à son sort.
C’était si vrai que la cour mettra à
peine une demi-heure pour donner son verdict. Et à ce
propos, ces assises-là ne feront pas dans la dentelle.
Cinq
peines capitales seront prononcées contre les hommes qui ont
tiré sur Laurent François et Mendez et le portail
de la gendarmerie, une peine de travaux forcés à
perpétuité, une peine de 20 ans de
réclusion et deux peines de 3 et 5 ans de prison ferme.
Benabdelmalek
Ramdane, selon nos sources, ne sera pas pris vivant. Il sera
tué
au cours d’un accrochage... le 1er novembre du
coté de
Oued el Abid. Vendu par un gard de Traba Sahel.