Cassaigne est le siège de la « Commune Mixte »
qui est dirigée par un haut fonctionnaire nommé par le pouvoir central :
l'Administrateur, c’est en quelque sorte le Gouverneur local, il préside le
Conseil de la Commune et concentre tous les pouvoirs.
"Quand il y avait une réunion du Conseil à la
Commune-Mixte de Cassaigne, tous ses élus étaient présents, ainsi que plusieurs
Caïds et Présidents de Djemaa , 10 Musulmans au total donc avec
l'Administrateur Principal et l'Administrateur Adjoint, ils (les élus
européens) étaient presque à tous les coups majoritaires." précise Mr
SALCEDO qui relate l'histoire de notre province. Le 1er administrateur serait
Mr CASTANET, devenu Sous-Préfet de Tiaret. Et de 1946 à 1954. Mr CHOIRAL dont
l'aîné d'une famille très nombreuse fréquente le Lycée René Basset à
Mostaganem. Il fut ensuite nommé Sous-Préfet dans la région de SIDI BEL ABBES.
Je me souviens du superbe uniforme blanc, aux épaulettes
d'or, de l’Administrateur, et de la voiture avec chauffeur en uniforme, qui
attend le fils CHOIRAL à la sortie du Lycée, le Samedi de « Grande
sortie », tandis que nous nous précipitons pour ne pas rater le car DELERM
ou, plus près du Lycée et plus rapide car il ne prend pas les nombreux auto
stoppeurs, le car qui part de la gare des CFA Chemins de Fers d'Algérie, le car
RUFFIER.
En 1956, Mr CHAVANNE est nommé Sous-Préfet par le
Gouverneur d’Algérie, Jacques SOUSTELLE : ce sera le premier Sous-Préfet
de Cassaigne ... et le dernier !
Malgré son rattachement à la Commune mixte, qui oblige à se
rendre à Cassaigne pour certaines formalités, Ouillis se tourne plus volontiers
vers Mostaganem. Le réseau ferré d’Algérie dessert les grandes villes, il ne
passe pas, hélas, à Ouillis. La ligne la plus proche est celle qui relie, à
l'intérieur des terres, venant de Relizane, Aïn-Tédelès à Mostaganem,
Perrégaux. Il est géré par la Société CFA, les Chemins de Fer d’Algérie. La
gare de Mostaganem est également le départ des cars qui font le trajet vers
Ouillis, Bosquet, Cassaigne et Lapasset. D’autres cars desservent la même
ligne, les cars Delerm qui partent du centre de la ville, le car
« Boudinar » et « La vedette du dahra ». Toutes les
liaisons internes se font donc par route. Des routes étroites et sinueuses, pas
toujours très bien entretenues. Il faut quitter Mostaganem et se diriger vers
Oran pour trouver une route de meilleure qualité. Mais, Oran est à plus de cent
kilomètres, on ne s'y rend que par absolue nécessité. Quelques jeunes
Ouillissiens y poursuivent cependant leurs études dans les lycées qui les
accueillent en tant qu'internes et les laissent rarement rejoindre le village
en dehors des congés scolaires.
Cassaigne reste donc un chef lieu très administratif,
offrant peu de services, c'est un gros bourg, pas vraiment une ville, supplanté
dans tous les domaines par l'attrait qu'exerce Mostaganem.
PETITE LECON D'HISTOIRE
Commençons par le commencement. L'instituteur que j'ai été
après avoir suivi les classes de maîtres respectés de Ouillis les couples
d'enseignants OBADIA puis BENKEMOUN et Monsieur BELLAÏCHE, sans oublier Renée
JUIN future Madame VERDU, qui faisait un peu de tout, du ménage à la garderie
des petits qu'elle emmenait aux toilettes. Donc, l'instituteur que j'ai été par
la suite, « en France » vous demande de fermer les yeux (enfin, pas
tout a fait car il vous faut continuer à me lire!):
Fermez légèrement les yeux et, souvenez-vous :
Nous entrons dans la petite école, nous nous installons
dans l’une des classes dont les fenêtres donnent sur le « champ de
boules », terrain de matchs de footballs mémorables.
Asseyez-vous ! ouvrez vos cahiers inscrivez, à l’encre
violette et à la plume Sergent Major, en vous appliquant, le titre tout en haut
de la page "histoire de Ouillis" et, surtout, suivez bien :
Petit retour sur l’histoire de France :
C’est le 4 mars 1848 que l'Algérie est déclarée
"partie intégrante" du territoire français.
Quelques mois après, le 9 décembre 1848, les Provinces
d'Alger, Oran et Constantine deviennent trois départements.
Il faut attendre le 28 juin 1956, c'est deux ans après le
déclenchement des hostilités, pour qu'un décret ébauche une réforme
administrative, qui,
le 20 mai 1957 par un nouveau décret divise chacun des 3
départements et en crée au total 12, dont les départements de
Mostaganem, Oran, Tiaret et Tlemcen pour l’ancien département d’Oran.
Le département de Mostaganem ainsi nouvellement créé (les
plaques d'immatriculation des voitures porteront l'indicatif « 9F »)
comprend six arrondissements : Mostaganem, Cassaigne, Inkermann, Mascara,
Palikao et Relizane.
Mostaganem est, à la veille de l’indépendance, la 8e ville
d’Algérie par sa population, mais elle est, en même temps la 3e pour sa
situation économique et la seconde cité de l'Oranie. Le port est le 2e
exportateur d’Afrique du Nord pour les agrumes, les céréales, les huiles et les
conserves de la plaine de La Mina. Le secteur industriel du sol et du sous-sol
est également développé grâce aux produits miniers des carrières de Ouillis. Ces
carrières, d’où on extrait le Kisselgür, se trouvent à quelques kilomètres du
village, sur la route qui le relie à Aïn Tedélès par le village de Pont du
Chélif, sur la portion qui descend jusqu'au Chélif, dite "les terres
blanches"
L'arrondissement de Cassaigne a 8 centres dotés d'un bureau
de poste :
Bosquet, Nekmaria, Cassaigne, Ouillis, Chouachi, Picard,
Lapasset et Pont du Chélif
Ouillis existe probablement depuis la nuit des temps. On y
trouve des traces de Phéniciens puis de Romains. « En grattant le
sol, on découvre des pièces romaines », rappelle Alain RICHERMO.
"La côte de Ténès à Arzew était bien connue des
Phéniciens qui y avaient établi des comptoirs : Petit Port et Ouillis dans le
Dahra, Kharouba près de Mostaganem" précise l'un des sites consacrés à
notre capitale régionale.
Mais, le Ouillis que nous connaissons tous, celui de la
présence de la France est créé officiellement en 1873.
« En 1873, le Gouverneur Général de l’Algérie décide
de créer trois centres de colonisation dans le Douar Chouachi : Sidi-Ali,
Ouillis et Bled-al-Hadjadj, les trois villages sont regroupés en une Commune
Mixte. En 1874 un arrêté rebaptise Sidi Ali en Cassaigne et
Bled-al-Hadjadj en Bosquet » écrit Jean-Pierre PEYBERNES dans un article
intitulé « Bosquet en Algérie », paru dans l’Echo de l’Oranie.
Cassaigne
est le siège de la "Commune mixte", on y trouve une Justice de paix
et tous les services publics et fonctionnaires : domaines, contributions diverses,
répartiteur, médecin, etc.... (D’après " Pieds-Noirs et autres tribus
d'Afrique du Nord", tome 13, Père Roger Duvollet ).
Bosquet est déclaré, en 1885, Commune de plein exercice.
En 1955, Pierre MENDES-FRANCE, Chef du Gouvernement veut
supprimer l'administration de ces communes par un Fonctionnaire nommé et faire
élire, par un collège unique, des Conseils Municipaux, mais, au mois de
février, son Gouvernement est renversé. Le projet combattu par les
Français d'Algérie sera enterré. Aucun gouvernement ne le reprendra,
Ouillis demeure donc rattaché à Cassaigne jusqu'à l'indépendance…Il a, à sa
tête, un « Adjoint-Spécial », avec ses conseillers, la commune.
Félix FAURE, homonyme d'un Président de la République
exerça cette fonction pendant de nombreuses années, son fils Firmin, puis
Marcel DURIEU lui succéderont jusqu'à l'indépendance.
Respectable et respecté, l'Adjoint spécial est le principal
notable du village on l'appelle "Monsieur le Maire", ce qui
explique la fréquente confusion qui subsiste dans l'esprit des Ouillissiens, et
des autres.
Pour ajouter à cette
confusion, Ouillis se dote d’une très belle « Mairie », avec Salle
des fêtes, et place, ombragée sur le pourtour, des bancs, et en son centre,
un jet d’eau signe d'opulence dans ce pays. La Mairie est érigée en plein
centre du village.
Monsieur Faure est un personnage : moustaches
troisième empire et surtout pour les gosses du village la voiture ! Un
cabriolet rouge de Marque Citroën C4, avec un arrière en pointe qui lui donne
vraiment l'allure d'une voiture de course, et pourtant Mr Faure n’a rien d’un
pilote de grand prix, il est prudent, il roule lentement dans les rues de
Ouillis. Deux seulement sont goudronnées : la rue principale Route Nationale RN
11 et la rue qui monte à l'église et traverse le village en direction
d’Aïn-Tédelès. Les autres seront faites au fur et à mesure des travaux
d'aménagement du village. Monsieur Marcel Durieu succède à Firmin et restera en
fonction jusqu'à la fin : c'est un petit colon, un homme modeste et attachant
discret et travailleur. C'est, pour moi, surtout, le père de Suzette, Pierrot
et Georges.